Actualité
Changement et permanence : repères dans un monde mouvementé (temps de lecture : 5-10 minutes)
Le Cap Horn est toujours un passage redouté par les skippers du Vendée Globe en raison des conditions climatiques souvent dantesques à cet endroit du parcours. Résilience, agilité, et persévérance sont les qualités indispensables du marin pour accomplir sa traversée.
En ces temps de grande houle, l’univers de la voile nous semble être riche d’enseignements pour les organisations afin de (re)trouver quelques repères pour sortir plus forts de la crise…ou simplement survivre.
L’ère du mouvement perpétuel
Changer pour changer
« Nous souhaitons être considérés comme un acteur qui casse les codes ». C’est par cette formule qu’un Directeur Général débutait son témoignage du passage au télétravail dans un récent article. Cette expression « casser les codes » a aujourd’hui une connotation positive : ce sera nécessairement mieux, plus attractif, plus « tendance ». Elle illustre parfaitement la conception du changement dans la pensée actuelle et la place qui lui est attribuée : il ne s’agit plus de passer d’un point A à un point B mais, par principe, de changer, parce que les « codes » évoqués ici sont ceux du passé et donc – nécessairement – moins attrayants. Le changement semble devenir un but en soi, il n’est plus le moyen d’atteindre un objectif ou une destination.
Ce constat est loin d’être récent : dans son poème bien connu, Parménide posait déjà ce débat entre la transformation permanente de l’être et sa stabilité : Allons, je vais te dire et tu vas entendre / quelles sont les seules voies de recherche ouvertes à l’intelligence / l’une, que l’être est, que le non-être n’est pas / chemin de la certitude, qui accompagne la vérité / l’autre, que l’être n’est pas : et que le non-être est forcément. Plus tard, les penseurs de la modernité et notamment Hobbes affirmaient que la vie est une course et que seule la course compte. S’arrêter de courir, c’est mourir. Aujourd’hui, l’univers politique porte des marqueurs forts de ce courant de pensée : En Marche ou auparavant l’Union pour un Mouvement Populaire portent en leur nom la notion de mouvement ; LFI et le RN se présentent sur leur site comme des mouvements ; les Républicains appellent de leur côté à « rejoindre le mouvement »…
Le reflet dans nos organisations
Il en est de même dans les organisations actuelles. Innover est un impératif que personne ne souhaite contester. Si la compétence était auparavant entendue comme un savoir-faire, un art de maîtriser des gestes exercés maintes fois, les recruteurs sont aujourd’hui à la recherche de savoir-être propices au changement : polyvalence, agilité, adaptabilité sont la nouvelle panacée. Les compétences clés sont désormais celles qui permettent… de changer de compétences. On remarquera au passage une certaine ironie à parler de « savoir-être » pour désigner des aptitudes ou des capacités qui permettent le mouvement.
Qu’on ne s’y méprenne pas : l’apprenance que nous évoquions dans un précédent article est bien une ressource essentielle pour l’entreprise si elle veut garantir sa survie et pérenniser son activité. Il ne s’agit pas ici de prôner l’immobilisme qui n’aurait aucun sens. Mais prôner le mouvement en toute circonstance nous paraît aussi dénué de sens voire dangereux si l’on ne pose pas deux questions essentielles : pourquoi changer ? et pour quoi ?
Points fixes et stabilité
Le mouvement n’est possible que si quelque chose échappe au mouvement. Pour constater que je me déplace de Paris à Tours, il faut que Paris et Tours soient des points fixes. Si Ulysse a pu aller au bout de son Odyssée, c’est avant tout parce qu’il désirait retrouver ses deux ancrages : son île Ithaque et sa famille. La première question qu’il pose à Pénélope à son retour est « Qui a déplacé mon lit ? » Cette idée d’avoir perdu ce point fixe emblématique le hante.
La possibilité du mouvement offerte par ces points fixes est confirmée par l’approche systémique : l’homéostasie nous rappelle que tout système tend vers un équilibre de façon à survivre. Ce qui est couramment appelé résistance au changement est intrinsèque à un système. Ainsi, plutôt que de considérer cette résistance d’abord comme un obstacle à surmonter, pourquoi ne pas voir en elle un garde-fou qui nous rappelle la nécessité de se poser les deux questions évoquées ci-dessus ?
Pour traverser nos Odyssées en ces temps de grande houle, ce sont précisément ces points fixes qu’il nous faut retrouver dans la transformation des organisations.
Retrouver des points d’ancrage pour mieux cheminer vers le cap
Les questions du pourquoi et du pour quoi nous ramènent à deux points d’ancrage :
- le(s) point(s) de départ : quelle est l’origine de notre organisation ? Pourquoi a-t-elle été créée ? Quelle est notre histoire ? Quels sont les savoir-faire qui ont construit notre succès ?
- le cap vers lequel nous avons décidé de naviguer : quel est notre finalité ? Pour quoi agissons-nous ? Quel bien commun recherchons-nous ?
Savoir d’où l’on part…
La question du (des) point(s) de départ est celle de l’histoire. Comment s’engager dans un projet commun si le commun historique n’est plus partagé ? Comprendre le passé permet de dessiner l’avenir car c’est saisir la manière dont les personnes se sont transformées pour être ce qu’elles sont aujourd’hui. Pour aller quelque part, il faut savoir d’où l’on vient. Transmettre et valoriser l’ADN qui fait la force de l’organisation contribuera par essence à accroître le sentiment d’appartenance, la fierté et l’engagement des équipes au service du projet d’entreprise.
Les acteurs du luxe portent généralement une grande attention à cet acte de transmission, autant des savoir-faire que de leur histoire. Une illustration en est le film l’Odyssée (le titre est tout sauf un hasard) produit récemment par Cartier, à la fois moyen de communication externe et support pour fédérer les équipes. Le film rappelle les liens historiques entre la marque et plusieurs pays (Russie, Chine, France) et l’inspiration donnée par Jeanne Toussaint, première grande directrice artistique, surnommée la Panthère dont l’animal devint l’emblème de la marque.
… pour mieux cheminer vers le cap
La question du « Pour quoi » pour l’organisation se pose à double titre :
- Le « Pour quoi » de la finalité, de la raison d’être, du temps long : dans son histoire, le mouvement de l’organisation n’est pas le passage d’un point A à un point B absolument fixes – ce qui serait un changement – mais une transformation, c’est-à-dire un processus de maturation continu, un mouvement permanent vers un cap plus lointain, moins précis qui présente néanmoins une véritable stabilité dans le temps, servant de guide comme le nord de la boussole.
- Le « Pour quoi » des changements que l’organisation opère dans un temps court: s’implanter dans un nouveau pays, offrir un nouveau produit ou service, changer la structure, le modèle opérationnel, développer de nouvelles pratiques métiers… Ici ces mouvements sont bien des changements car ils consistent à atteindre des objectifs qui serviront – logiquement – la finalité.
Pour Kea qui est société à mission, que l’on considère un changement concret à opérer ou la transformation d’ensemble, la question du « Pour quoi » dépasse aussi celle du sens dont nous entendons tant parler. L’enjeu est de caractériser en quoi la situation future, le projet proposé permettra d’offrir un bien commun plus grand que dans la situation actuelle. La question est ici : selon quels critères considérons-nous ce projet comme bon pour l’organisation ? En complément d’impacts positifs sur le plan économique, il pourra aussi s’agir d’un impact social, sociétal ou environnemental.
« Notre ambition est de doubler de taille dans les 5 ans qui viennent » Cette ambition revendiquée dans de nombreux plans stratégiques paraît bien alléchante. Mais au-delà de cet objectif, quelle est l’intention souhaitée ? A quoi cela servira-t-il de doubler de taille ? Parfois cela permettra, au vu de l’évolution du marché, de survivre ; auquel cas tant mieux ! Dans d’autres circonstances, l’approfondissement du discernement pourrait être le bienvenu. Quel sera l’impact de l’organisation avec une taille doublée ? Il va de soi que nous ne prônons pas ici la décroissance mais proposons un discernement pour établir ou non si ce cap ou cet objectif est véritablement meilleur.
Ajuster et discerner avec responsabilité et courage
Lors de sa navigation, le capitaine du navire ajuste en permanence sa route. Mais ces ajustements sont toujours évalués en considérant son objectif et l’ensemble des options possibles, évaluées selon différents critères : météo, état du bateau et de l’équipage…pour ensuite décider de la meilleure route à suivre.
Dans l’organisation qui poursuit sa transformation et opère des changements, la responsabilité et le courage des managers ou équipes de direction sont dès lors sollicitées à plusieurs titres pour :
- Rappeler la raison d’être lorsque cela est nécessaire pour établir si un changement envisagé est cohérent avec cette finalité
- Définir selon quels critères un changement envisagé par l’organisation doit être évalué
- Être attentif aux modèles mentaux et aux biais cognitifs qui peuvent être à l’œuvre : quels sont nos réflexes ou nos préférences dans la manière d’analyser les situations et qui peuvent biaiser nos prises de décisions si nous n’en sommes pas conscients ?
- S’assurer que dans le discernement les voix minoritaires peuvent s’exprimer et être entendues
- En tant que leader, si le contexte est propice à la consultation, partager son opinion après le reste des équipes
- Parfois donner la priorité à des critères de décision qui seront peut-être moins plébiscités mais qui apporteront un plus grand bien
- Etre attentif à l’influence que l’autre exerce dans mon discernement : si un concurrent a opéré un changement, est-ce un critère suffisant dans le contexte ?
- Considérer les deux échelles de temps: bien sûr le temps court pour s’adapter aux chocs mais aussi le temps long qui suppose lui le courage de ralentir souvent malgré les fortes pressions de l’environnement à l’accélération
Conclusion
L’un des cas simples d’homéostasie est celui de la régulation par le corps humain de sa température autour de 37°. Le corps ajuste en permanence un ensemble de paramètres pour maintenir cet état stable et préserve aussi en l’état ce qui doit l’être.
Si les organisations doivent régulièrement ajuster la manière dont elles cheminent, retrouver des points d’ancrage semble plus que jamais essentiel, au risque de se perdre dans un mouvement sans fin(alité) telle une mouche volant dans la pièce.
Romain Farra
Manager chez KeaPrime – People Motion Transformation https://www.keaprime.com/fr/
« Nous œuvrons pour une économie souhaitable, par des acteurs engagés dans une transformation choisie .»
« Et si les entreprises à mission inspiraient la raison d’être individuelle ? » (temps de lecture : 5 minutes)
Raison d’être
Raison d’être en entreprise, société à mission… si ces mots résonnent au-delà d’un phénomène de mode, portés par une responsabilité au sens fort [1], quel est l’impact pour les individus qui constituent le corps social des organisations concernées ?
Alors que les institutions posent des mots sur leurs engagements, l’écho pour chacun peut éveiller des questions.
Raison… : « Start with why »
La « raison » peut évoquer une réponse à la question « pourquoi ? ».
Réponse rationnelle ? Raisonnable ? Logique mécanique sinon mécaniste ? Ou renvoi à la notion de sens, de l’ordre de l’intuition, de l’indicible, de la transcendance ou de l’ineffable… Un questionnement philosophique et métaphysique, la cause véritable et profonde, de l’existence d’une chose ou d’un être.
Dans nos contextes Corporates, Simon Sinek propose un « Why » qui inspire l’action via les émotions, qui fait vibrer le sens : tête, cœur et corps. [2]
… d’être : « To be or not to be »
Derrière la question Shakespearienne, une quête existentielle !
La langue anglaise nous enrichit d’autres termes, comme « Purpose » ou « Meaning » : « Être », non-pas « Avoir » ou « Faire » : ce verbe renvoie à ceux de vivre et exister.
Ainsi, la combinaison des deux mots ouvre une passerelle vers des questions ontologiques, bien au-delà de l’univers professionnel.
Pour autant, l’expression d’une mission d’entreprise invite à s’interroger sur une cohérence, entre les aspirations individuelles – intimes et subjectives – et le cadre et la vision mis en perspective par l’institution.
Je propose d’explorer quelques points de repère, pour mettre des mots sur ces notions aussi complexes qu’essentielles.
« Raison d’être » comme engagement
« Aussi étroit soit le chemin, Nombreux les châtiments infâmes, Je suis le maître de mon destin, Je suis le capitaine de mon âme. » Extrait d’Invictus, poème de l’écrivain William Ernest Henley, cité par Nelson Mandela.
Face à l’absurde qui caractérise parfois l’existence humaine, le professionnel en entreprise, tel un Sisyphe contemporain, est souvent embourbé dans des systèmes dysfonctionnels, reproduisant sans cesse des gestes dénués de sens.
Le choix et l’engagement transcendent la fatalité d’un humain enfermé dans une répétition incessante. « L’Homme est condamné à être libre. » écrivait Jean-Paul Sartre. André Malraux inspire de son côté l’idée que l’Homme se doit d’affirmer cette liberté via l’engagement : « Un Homme est la somme de ses actes, de ce qu’il fait, de ce qu’il peut faire. Rien d’autre. »
L’exemplarité, la prise d’initiative, la proposition de solutions, l’action empreinte de discipline et la remise en question avec bon sens et réalisme, pourraient ainsi être des pistes à suivre.
« Raison d’être » comme quête de sens
« Mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qu’est-ce qui nous empêche d’en inventer un ? » Citation faussement attribuée à Lewis Carroll dans Alice au Pays des Merveilles
En écho au mystère de la vie, galvanisé par les crises et la résilience associée, la raison d’être résonne comme aspiration, besoin de sens.
Selon Viktor Frankl, tous les êtres humains ont besoin d’une spiritualité : la dimension « noétique » ou « noesis » de Platon [3]. La noesis permet à l’individu d’exercer son libre-arbitre et sa responsabilité à travers ses choix, de s’extraire du caractère déterminé de son existence.
Si tout être humain possède une spiritualité – l’adhésion personnelle à une religion étant une des expressions possibles – la vie spirituelle recouvrirait un seul phénomène : le fait de vivre en accord avec ses valeurs. Le choix des valeurs – conscient ou inconscient – articule le sens et définit son orientation. Les orientations de sens peuvent naturellement être actualisées tout au long de l’existence.
L’exploration des valeurs dans un contexte professionnel est proposée notamment par Richard Barrett dans ses outils de transformation culturelle et les niveaux de conscience associés [4] ou dans la spirale dynamique via le modèle ValueMatch [5], qui a largement inspiré les travaux d’auteurs comme Ken Wilber ou Frédéric Laloux.
« Raison d’être » comme cheminement
« Le but, c’est le chemin. » Johann Wolfgang von Goethe (inspiré par Lao Tseu peut-être ?)
La noesis met en œuvre deux compétences complexes, propres à l’humain : l’auto-distanciation et l’auto-dépassement. Vers quoi ? Suivant quel cheminement ?
La conscience de l’identité est une construction individuelle, progressive, qui permet de répondre au besoin de sens.
Nous pouvons faire alors appel à Carl Gustav Jung, qui décrit la personnalité comme un potentiel inné que nous avons en nous.
Le MBTI® offre des points de repère sur la typologie jungienne et des clés pour apprivoiser ce cheminement, via prise de conscience, acceptation et transformation, jour après jour, année après année. « Il vaut mieux être complet que parfait. » écrivait Jung. Un reflet de Soi et de l’altérité, par contraste, complémentarités et similarités, pour accompagner choix et responsabilité dans l’action, qui jalonne le processus d’individuation, entre puissance et vulnérabilité.
« Raison d’être » comme contribution
« La vocation, c’est avoir pour métier sa passion. » Stendhal
Dans le quotidien en entreprise, trouver du sens se traduit par un état d’esprit… et la connaissance pragmatique d’une contribution palpable, valorisable par les cinq sens. La contribution peut alors s’inscrire dans une mission, avec impact tangible et en contact avec le Monde : une contribution à une œuvre, individuelle et collective.
Et concrètement ?
On imagine le casseur de pierre du Moyen Âge… qui pourrait s’identifier, qui sait, au bâtisseur de cathédrales… ou l’agent de nettoyage des hangars de la NASA… qui pourrait se voir contribuer à envoyer des Hommes sur la Lune ? Un « Pouvoir pour », chacun à sa façon, chacun à son niveau.
Et si nous questionnions notre quotidien, pour identifier chaque maillon de la « chaîne de valeur »… et reconnaître chaque « valeur ajoutée » !
« Raison d’être » comme Présence
« Seul le mystère de la vie et la curiosité qu’elle suscite constituent une raison de continuer à vivre. » Emil Cioran
Être là, juste là
Et si la raison d’être résidait dans la présence ? C’est la proposition d’Eckhart Tolle, qui distingue raison d’être intérieure et raison d’être extérieure, dans son ouvrage Nouvelle Terre [6].
Si la raison d’être extérieure concerne le « faire », la raison d’être intérieure concerne l’ « être ».
Notre vraie raison d’être concernerait ainsi ce que nous sommes, plus que ce que nous faisons : notre état de conscience. Cette « Présence », à chaque instant, actualiserait la raison d’être de chacun.
La raison d’être extérieure pourrait changer avec le temps et les circonstances, l’enjeu serait de cultiver une cohérence et une harmonie avec la raison d’être intérieure : donner de l’épaisseur et de la plénitude au présent, transcender les turbulences de l’existence.
Être en contact avec soi et avec l’autre, la vie et ses incertitudes, avec justesse et authenticité, conscience et responsabilité : au-delà d’un regard ego-centré, développer de l’humilité. Une façon de mieux vivre les pressions externes… dans la porosité de nos écosystèmes, bousculée par le télétravail et l’hyperconnectivité. Une présence pleine et entière qui fait écho au « flow » décrit par Mihály Csíkszentmihályi : quand le temps disparaît, la vie s’ouvre au bonheur… dans toute sa subjectivité [7].
Apprivoiser l’ego, vivre la posture juste, le service désintéressé.
Mais… au service de quoi, pour-quoi ?
« Raison d’être » comme alignement
« Si vous n’êtes pas bien où vous êtes, bougez, vous n’êtes pas un arbre. » Jim Rohn
Comment combiner raison d’être interne et raison d’être externe, à chaque instant ?
Prendre un espace de pause, de respiration :
tel un ostéopathe de la conscience, accueillir les tensions, les tiraillements. Puis, calmement, questionner chaque étage de notre expérience.
Cet alignement peut par exemple être observé avec les niveaux logiques de Robert Dilts et Gregory Bateson. Il correspond à une cohérence interne : se sentir « à sa place ». Et si ce n’est pas le cas, agir au bon niveau, individuellement ou collectivement, a minima via une communication, en « explicitant l’implicite » !
Raison d’être comme épanouissement
« Là où vos talents et les besoins du monde se rencontrent se trouve votre vocation. » Aristote
Le terme Ikigai est l’équivalent japonais de la « joie de vivre » et de la « raison d’être ». Dans la tradition japonaise, chacun aurait un Ikigai caché. Sa révélation passe par une démarche d’introspection, une découverte de ce qui apporte sens et satisfaction… en réponse à une quête que nous sommes nombreux à partager, sur le chemin de l’épanouissement.
L’Ikigai n’est pas un simple concept, cette notion nous invite à nous questionner sur le cœur de notre vie, au croisement de nos différents intérêts. Il conjugue idéalement nos passions, carrières, vocations et missions.
Cette recherche invite chacun à être l’entrepreneur de sa vie [8].
Conclusion
« Rien de grand n’a jamais été accompli sans enthousiasme. » Ralph Waldo Emerson
« Raison d’être » … être, être présent, être en lien, être en relation…
Cette exploration ouvre de multiples perspectives, de l’ordre de l’intime, du subjectif… et de l’universel.
Et si l’essentiel était de partager ce constat, cette réalité, d’un mystère et d’un questionnement existentiel ? Et si l’essentiel était de décliner nos raisons d’être, de « faire entreprise » : entreprendre ensemble une aventure humaine dont nous sommes collectivement fiers, dans l’innovation au quotidien, en relevant les défis qui permettent de préparer demain ?
L’exemple du Groupe Kea fait référence à l’engagement responsable de consultants experts de la transformation, au service de leurs clients : « Entreprendre les transformations pour une économie souhaitable », une raison d’être pour transformer en responsabilité et vers la responsabilité.
Entre mimétisme et singularité, faire de l’ « animal social » d’Aristote un acteur conscient de ses choix, porté par une émulation qui favorise régulation et actualisation, inspiré par une raison d’être d’entreprise qui fait vibrer les aspirations individuelles. La raison d’être proposée par l’institution serait alors un catalyseur, une maxime qui fait sens et rassemble, qui responsabilise en apportant des réponses… tout en partageant les questions encore sans réponse.
Avec à la clé, face à l’incertitude, un ingrédient puissant, cette inspiration qui nous dépasse : l’enthousiasme.
Fabrice Mézières
Directeur chez KeaPrime – People Motion Transformation https://www.keaprime.com/fr/
« Nous œuvrons pour une économie souhaitable, par des acteurs engagés dans une transformation choisie .»
Sources :
[1] Le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Loi du 22 mai 2019 dite loi PACTE) permet de redéfinir la raison d’être des entreprises et de renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux liés à leur activité.
https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-redefinir-raison-etre-entreprises
et « A quoi sert la ‘’raison d’être’’ dans les entreprises ? »
https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/07/26856-a-quoi-sert-la-raison-detre-dans-les-entreprises/
[2] Simon Sinek : « Comment les grands leaders inspirent l’action »
https://www.ted.com/talks/simon_sinek_how_great_leaders_inspire_action?language=fr
[3] « Nos raisons de vivre : à l’école du sens de la vie », Viktor Frankl
https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/nos-raisons-vivre-ecole-du-sens-vie-0
[4] Barrett Values Centre, créé par Richard Barrett : https://www.valuescentre.com/barrett-model/
et le diagnostic de valeurs personnelles – Personal Values Assessment : PVA
[5] ValueMatch, un modèle puissant d’analyse des valeurs profondes individuelles et collectives, né des recherches du Professeur Clare W. Graves, développé par Don Beck et Chris Cowan depuis les années 80.
https://www.valuematch.net/en/working-with-spiral-dynamics/sd-test-de-connaissances
[6] « Nouvelle Terre », Eckhart Tolle
https://www.babelio.com/livres/Tolle-Nouvelle-Terre/1056354
[7] « Vivre : La psychologie du bonheur », Mihaly Csikszentmihalyi
https://www.babelio.com/livres/Csikszentmihalyi-Vivre–La-psychologie-du-bonheur/13377
[8] « S’épanouir professionnellement – Donner du sens à sa carrière », Clara Leparquier et Fabrice Mézières
https://www.editions-ellipses.fr/accueil/7108-sepanouir-au-travail-9782340024052.html
Téléfragile ou télérobuste ? Élémentaire mon cher Bateson ! (temps de lecture : 10-15 minutes)
La semaine dernière, un collègue a sollicité notre avis sur un article paru sur http://timetosignoff.fr/ en date du 13 mai : Le télérobuste et le téléfragile [1]. Cet article, fort intéressant, nous a interpelés et nous invite à écrire ces quelques lignes pour aller un peu plus loin. Des publications régulières suivront ce premier article pour chacun des thèmes abordés dans le but de former un guide pour les entreprises désireuses de repenser leurs modes de fonctionnement à l’aune de la généralisation du télétravail.
Notre vie en « Covidie » semble avoir engendré une nouvelle opportunité pour les entreprises.
La transformation des comportements digitaux a connu une accélération ces dernières semaines que personne n’aurait pu imaginer. Les salariés ont goûté au télétravail, touché du doigt ses avantages (souplesse et flexibilité de travail, gestion du temps, autonomie, concentration [2]) et une majorité d’entre eux veut le pérenniser (39% des salariés du secteur privé ont télétravaillé durant le confinement et 73% d’entre eux souhaitent continuer à pratiquer le télétravail après le confinement [2]). Nombre d’entreprises annoncent sa généralisation, espérant faire de cette expérience forcée, une opportunité d’inclure durablement les bénéfices apportés dans leurs modes de fonctionnement.
Le télétravail devient la norme, entrainant son lot de questions.
Toutes les activités de l’entreprise sont-elles propices au télétravail ? Existe-t-il des profils de personnalité « télérobuste » ? Comment apprendre, comment faire de ces modes de fonctionnement forcés par la crise sanitaire, une opportunité de repenser nos organisations pour plus d’efficience ?
Les activités formelles, organisées, prévues, transactionnelles, les tâches individuelles seraient « télérobustes » alors que les activités informelles, innovantes, inattendues, collectives seraient « téléfragiles ». Cela tombe un peu sous le sens : ce que je suis en capacité de faire seul, que je le fasse en télétravail ou au bureau, ça ne change pas grand-chose, logique ! Logique oui, mais pas si simple car à long terme, ça ne tient pas, comme expliqué dans l’article Le télérobuste et le téléfragile et l’étude de March citée [1]. Pour faire court, sans le lien social, nous perdons au fur et à mesure le sens et la motivation.
Quel regard porter sur la pérennisation du télétravail en entreprise ? Elémentaire me dirait mon cher Bateson !
Il semble que téléfragile et télérobuste ne se limite pas à l’activité, à la tâche à accomplir, c’est un peu plus compliqué. Elémentaire me dirait mon cher Bateson.
Gregory Bateson, fondateur de l’école de Palo Alto, définit l’individu comme « l’ensemble des relations qui le lient à son environnement » [3]. Pour l’école de Palo Alto, le comportement individuel n’a pas de sens en dehors du contexte et des interactions de l’individu avec son environnement. Pour mieux comprendre les clés d’une bonne utilisation du télétravail dans le fonctionnement des organisations, la systémique nous encourage donc à explorer deux dimensions :
- L’individu. Nous portons notre regard sur l’individu au travers des prismes de ses besoins, de ses préférences psychologiques et des recherches effectuées par les neurosciences.
- Les relations ou interactions de l’individu avec son environnement. Le travail est un lieu de sociabilisation, de relations aux autres et à l’entreprise. Le télétravail n’échappe pas à cette règle. Nous portons notre regard à ce niveau sur les relations formelles et informelles qui tissent la résilience de nos organisations et l’efficacité des groupes sociaux.
L’individu en situation de télétravail : ses préférences et les mécanismes de notre cerveau à l’œuvre
« Aussi introverti que je puisse être, cela commence à me soûler de rester chez moi ! ». Cette remarque, faite il y a quelques jours par un de mes collègues présente un intérêt tout particulier dans la compréhension des préférences comportementales et leurs liens en situation de télétravail.
Les premières lettre d’un profil MBTI [4] commencent par I, préférence pour l’introversion ou E, préférence pour l’extraversion. Comme le souligne la remarque de mon collègue, sa préférence pour l’introversion le fait naturellement être plus « confortable » en situation de télétravail, favorisant la concentration, présentant peu de distractions sonores ou visuelles – a minima liées à l’environnement professionnel. Alors que l’individu ayant une préférence pour l’extraversion devra, en situation de télétravail, multiplier les liens sociaux et les occasions d’échanger pour faire le plein d’énergie.
Attention à ne pas être caricatural, les « I » ne sont pas pour autant LES profils « télérobustes » et les « E », LES profils « téléfragiles ». Ces lettres nous indiquent des préférences et nous aident à mieux comprendre nos besoins en situation de télétravail. Comme expliqué plus haut, le télétravail complexifie le lien social (les télétravailleurs ressentent une dégradation de la qualité du lien social pour 39% d’entre eux [2]) ce qui détériore la motivation.
Les neurosciences quant à elles nous indiquent que le cerveau compte trois modes de fonctionnement distincts [5] : la concentration, la régénération et l’activation. Nous devons pouvoir bénéficier d’environnement adaptés à chacun de ces modes pour être plus performants. La frontière ténue (perdue ?) entre espace personnel et professionnel en situation de télétravail peut perturber les équilibres entre ces modes de fonctionnement, nécessitant de reclarifier les temps et les espaces, floutés sans les cloisons des locaux de l’entreprise.
« Toute communication présente deux aspects, le contenu et la relation. » [6] Nous sommes doués de cinq sens que notre cerveau a appris à utiliser. Lors d’échanges en face-à-face, nous identifions des messages non-verbaux, comme la gestuelle ou l’expression de notre visage. Le télétravail nous ampute de cette compréhension fine de l’autre. L’utilisation de la vidéo nous aide à cette compréhension mais nous perdons le relief, la synchronisation de nos regards, cette connivence qui nous permet de nous sentir en confiance et d’échanger sans qu’un mot ne soit émis, de comprendre les réticences et l’acquiescement au travers de hochements de tête par exemple.
Les interactions en situation de télétravail : tissu social, résilience et efficacité des équipes
Le télétravail implique une distance entre les individus et les routines collectives du travail. Ces routines qui tissent le lien social dans l’organisation, le sentiment d’appartenance et de partage des mêmes valeurs.
Durant cette période de confinement, nous avons eu la chance d’accompagner différents types de séminaires, en « petits groupes » pour définir des stratégies d’entreprise par exemple ou en « grands groupes » (jusque 400 personnes en ligne qui collaborent au travers de plus d’une cinquantaine d’ateliers) dans le but, pour certains, d’identifier les avantages et inconvénients des nouveaux modes de fonctionnement mis en place et trouver de nouvelles voies d’organisation. Ce qui nous a frappés, c’est que les problèmes recensés restent les mêmes qu’en période « normale » : des réunions inefficaces, un management disparate, trop éloigné de la réalité opérationnelle, qui ne donne pas assez de « sens », un foisonnement d’outils dont les usages s’entremêlent et que tout un chacun ne sait que difficilement utiliser, un développement des compétences inapproprié voire inexistant et qui, dans tous les cas, est peu en lien avec le contexte de l’entreprise et le développement des talents individuels.
Cependant, la crise a eu des effets très positifs sur un bon nombre de sujets. Premièrement « le télétravail est un impitoyable révélateur des tâches inutiles et des pertes de temps. A l’absurdité des réunions interminables où les participants se persuadent qu’ils travaillent répond l’autre absurdité d’une promiscuité où chacun, pour mille raisons, se dérange et se déconcentre mutuellement. Sans bureau physique, nous devrons faire plus que jamais attention à entretenir nos valeurs » [8].
Ensuite, la ligne managériale s’est (enfin) emparée du lien humain, la communication des dirigeants beaucoup plus régulière sur l’actualité de l’entreprise a créé de la proximité et redonné du sens dans l’action – conditions nécessaires pour engendrer un climat de confiance. En quelques semaines, le management a débuté sa mue vers la bienveillance, l’empathie, passant d’un principe d’autorité et de contrôle à un principe de soutien et de responsabilisation.
Enfin, cette période atypique a mis en exergue le besoin de proximité et d’échanges informels, des interactions sans lien professionnel direct qui renforcent le sentiment d’appartenance et contribuent à l’engagement. Les relations informelles sont indispensables à la création du réseau de soutien dont l’entreprise a besoin pour assurer sa résilience.
Télétravailler demande de (re)penser la dynamique sociale de l’organisation, les liens professionnels comme personnels. Pour cela, la systémique de Palo Alto nous vient en aide (modèle de l’amibe de L. Gill par exemple [9]) ou W. Schutz avec le modèle de l’élément humain et les outils FIRO-B (Fundamental Interpersonal Relations Orientation – Behaviour) [10]. Nous préférons ici faire référence au projet « Aristote » conduit par Google [11]. Ce projet, lancé dès 2012 a démontré par l’analyse d’une multitude de données, ce que les sciences de gestion « intuitent » depuis ses débuts, il y a 100 ans, avec les analyses d’Elton Mayo. Ainsi, cinq facteurs caractérisent les équipes performantes :
- Le facteur le plus important est la sécurité psychologique des membres de l’équipe : les membres de l’équipe se sentent en sécurité pour prendre des risques ;
- La fiabilité : les tâches sont accomplies dans les temps et avec le niveau d’excellence souhaité ;
- La structure et la clarté : les rôles, les plans et les objectifs sont clairs ;
- Le sens : le travail est porteur de sens pour les membres de l’équipe ;
- L’impact : le travail des membres de l’équipe est impactant, il crée le changement ;
En miroir, le manager, cette « mère célibataire » pour reprendre les mots de David Abiker doit donner le sens, fixer des objectifs clairs orientés résultats, œuvrer avec considération et reconnaissance pour chacun et pour l’équipe (à ce propos, les travaux de D. Ariely sur les facteurs de motivation au travail nous donnent les clés pour bien faire [12]), pratiquer communication ouverte et feedback, être un appui constructif dans l’évolution de carrière et créer les conditions de confiance favorisant innovation, curiosité et responsabilisation.
Vous me direz, quel est le rapport avec le télétravail ? En situation de télétravail, la disparition de la proximité physique et des échanges spontanés ne permet plus de contrebalancer certains manquements ou facteurs déficients : le télétravail « stresse » le système et fait émerger avec plus d’acuité, de contraste et d’intensité, les besoins relationnels, contingents ou essentiels.
Le véritable enjeu est ici celui de l’interaction, du contexte qui fera résilience et performance
Alors, quelles sont les clés de la mise en place du télétravail dans le fonctionnement des organisations ?
Dans la question réside en partie la solution : le télétravail n’est qu’un moyen, un moyen pour faire quoi ? Même si nous comprenons bien l’enjeu économique qui se cache derrière cette question et que d’autres vertus sont palpables par les collaborateurs, le véritable enjeu est celui du lien, de l’interaction, de l’architecture des relations qui fait l’attachement et la performance de l’organisation.
N’oublions pas que c’est dans un contexte extrême que les entreprises ont été contraintes et forcées de généraliser cette pratique. Un contexte de distanciation, pour lequel le télétravail est le rare moyen de préserver les interactions nécessaires au fonctionnement opérationnel de l’entreprise. Faire de ce contexte si particulier une norme peut s’avérer dangereux au sein d’organisations pour lesquelles certains fondamentaux ne sont pas en place. Sans bases réfléchies, retour d’expérience fiabilisé, socle consolidé, l’improvisation ancrée comme savoir-faire présente des risques à considérer avec vigilance, avant de passer au « monde d’après » et tourner une page riche d’enseignements.
Le manque de recul sur le sujet du télétravail ne doit pas nous rendre immobiles mais précautionneux, tel que le souligne l’article « La vérité sur les bureaux ouverts » [13], ce que les « concepteurs » pensent être logique ne s’avère pas toujours apporter les bénéfices attendus. « L’Homme doit être pris comme un sujet et pas comme un objet » tel que le disait JC. Fauvet, pionnier de la sociodynamique, ou E. Morin [14].
L’Homme (ré)agit dans son environnement, il interagit dans un contexte. Ce sont les contextes et les interactions souhaitées dans ces contextes que l’entreprise doit questionner pour trouver de nouvelles voies de fonctionnement, inclusives des bénéfices du télétravail et de ce que la crise nous apprend. Le paragraphe ci-dessous propose une première grille de questionnement pour aider les entreprises à y réfléchir :
- Le contexte individuel ou le collaborateur face à son écran : au-delà du socle technique indispensable pour télétravailler, le collaborateur
- Est-il en capacité de trouver les informations nécessaires à son activité ?
- Est-il suffisamment compétent pour utiliser les outils à sa disposition ?
- Est-il suffisamment autonome, motivé et en confiance pour réaliser son activité ?
- Est-il suffisamment conscient de ses besoins intrinsèques pour assurer sa résilience ?
- Le contexte d’équipe : nous avons listé plus haut les facteurs déterminant une équipe performante (selon les travaux de Google & Harvard),
- Est-ce que le degré de sécurité psychologique dans l’équipe est suffisant ? (A. Edmondson [15] propose sept questions pour facilement le mesurer)
- Est-ce que les objectifs et les rôles donnés à l’équipe sont suffisamment clairs, porteurs de sens ?
- Est-ce que le climat de confiance et la connivence dans l’équipe sont suffisants pour inclure et préserver la diversité des points de vue de chacun ?
- Est-ce que l’impact de l’équipe est reconnu à sa juste valeur ?
Nous y ajoutons des questions liées aux outils et au fonctionnement opérationnel de l’équipe :
- Est-ce que les outils à disposition de l’équipe lui permettent de travailler efficacement ?
- Est-ce que l’équipe est suffisamment compétente dans les techniques d’animation de travaux de groupe (eg. Facilitation) ?
Nous comprenons ainsi aisément l’importance du contexte institutionnel. Il est garant de mesurer et d’adapter l’environnement du collaborateur et des équipes en réponses à ces questions, et cela au travers de son bras armé, le manager. Nous ne reviendrons pas en détails sur le manager, décrit plus haut dans ce document au-delà de synthétiser son rôle difficile (encore plus en situation de télétravail, à distance physique de ses équipes) : devoir créer un double sentiment « d’appartenance à une communauté humaine fière d’elle-même et confiante dans son aptitude » et « d’une forte responsabilité individuelle et collective, vis-à-vis des collègues, des chefs, de l’équipe, de l’entreprise » [16]. Nous insistons juste sur trois sujets structurants quant au contexte institutionnel en situation de télétravail :
- Est-ce que les accords ou charte de télétravail sont suffisamment inclusifs de la diversité des situations des collaborateurs ?
- Est-ce que les processus de développement des talents et des compétences sont suffisamment inclusifs des « hard skills » et « soft skills » listés ci-dessus ?
- Est-ce que la communication des décisions prises et de l’actualité de l’entreprise est suffisante pour assurer un climat de confiance ?
Le dernier contexte est le contexte informel. Un ami architecte, Eric Bartolo, me disait « nous savons, avec mon équipe, travailler de manière simultanée, sur un même plan d’architecte (grâce à un logiciel BIM, Building Information Management) mais ce qui nous manque c’est l’informel. Même en étant toute la journée sur Zoom, nous n’avons pas le même niveau d’interaction, c’est moins spontané, moins efficace ». Même si la société Zoom voit sa capitalisation boursière s’envoler [17], les outils ne remplacent pas (encore ?) l’informel. On peut alors se mettre à rêver (ou cauchemarder) de réalité virtuelle, d’avatars de nous-mêmes, capables de reproduire notre gestuelle ou nos grimaces, dans des entreprises en 3D, sur Fortnite. La dernière question à se poser ici est alors : Est-ce que le réseau informel de l’entreprise est suffisamment développé pour assurer le soutien (technique, opérationnel et moral) et le lien social entre les collaborateurs ?
« Être résilient, c’est aller vers un nouveau développement. » écrivait fin mars 2020 le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, spécialiste de la résilience.
Alors que nous sortons tout juste de la crise sanitaire, il s’agit d’imaginer le changement de règles du jeu, qui permet d’envisager, d’ancrer plus que rêver, un « changement de type 2 » [18] : s’autoriser à travailler différemment, avec de nouveaux comportements. Un de nos clients DRH filait la métaphore, « C’est comme si on donnait une balle et une raquette de tennis à quelqu’un, il apprend à taper dans la balle … et croit jouer au tennis », pour expliquer la nuance entre « télétravail » et « travail à distance » (sous-entendu une sorte d’improvisation, de transposition « à la maison » des travaux habituellement réalisés dans l’entreprise). Ces dernières semaines ont vu émerger de nouveaux comportements, certains à conserver, d’autres à adapter, qui demandent une relecture pré-reprise.
A l’ère des Sociétés à Mission, la responsabilité est plus que jamais d’actualité et l’exemplarité des dirigeants et managers un enjeu clé, pour amorcer en conscience les changements souhaités.
Si les technologies semblent mures et matures, il s’agit de les valoriser en ayant conscience de l’impact de leur utilisation sur la qualité de la relation, dans le respect de l’individu et du collectif. Au-delà du rationnel et de l’intellectuel, le catalyseur de l’efficience réside parfois dans l’alchimie de l’informel, ce petit rien qui fait tout, coloré d’humour, de complicité, d’intimité et d’authenticité : quand l’ADN culturel démultiplie l’intelligence collective.
« La source de la plupart de nos problèmes réside dans l’écart entre
le mode de pensée de l’homme et le mode de fonctionnement de la nature. » G. Bateson
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Xavier Cabot, Directeur chez Kea Prime
Bibliographie
[1] http://timetosignoff.fr/ en date du 13 mai 2020 : Le télérobuste et le téléfragile
[2] Selon les résultats de l’étude Télétravail en confinement, Etude de perception CSA pour Malakoff Humanis. https://newsroom.malakoffhumanis.com/actualites/en-complement-de-son-barometre-annuel-sur-le-teletravail-malakoff-humanis-presente-les-resultats-de-la-premiere-vague-de-son-etude-teletravail-en-confinement-fb78-63a59.html
[3] La Cérémonie du Naven – G. Bateson, 1936
[4] https://eu.themyersbriggs.com/fr-FR
[5] https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2015/12/9056-pour-plus-de-performance-commencons-par-adapter-notre-espace-de-travail-notre-mode-de-fonctionnement/ – Institute of neurocognitivism : livre blanc – L’intelligence adaptative, moteur de votre développement
[6] Une logique de la communication – P. Watzlawick, 1967
[7] https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/video-deconfinement-le-teletravail-prolonge-ca-n-est-pas-anodin-estime-un-docteur-en-neurosciences-1589033060 – https://www.usinenouvelle.com/blogs/le-blog-des-experts-des-neurosciences/
[8] https://www-lesechos-fr.cdn.ampproject.org/c/s/www.lesechos.fr/amp/1204354
[9] Comment réussir à travailler avec presque tout le monde – L. Gill, 2006
[10] L’Elément Humain : Estime de soi, productivité et résultat d’exploitation – W. Schutz, 1994 – http://elementhumain-france.fr/la-theorie-firo/
[11] https://www.nytimes.com/2016/02/28/magazine/what-google-learned-from-its-quest-to-build-the-perfect-team.html?_r=0
[12] https://www.ted.com/talks/dan_ariely_what_makes_us_feel_good_about_our_work?
[13] https://www.hbrfrance.fr/magazine/2020/03/29422-la-verite-sur-les-bureaux-ouverts/
[14] « tant que la conception des acteurs de l’entreprise puisera ses racines dans l’univers de la machine artificielle, et par là-même niera la nature anthropo-sociale de sa constitution, elle ne pourra aborder la problématique du changement que de manière artificielle, parcellaire et inefficace ». Edgar Morin, 2012
[15] The fearless organization – Amy Edmondson, 2018
[16] Améliorer la résilience psychologique des combattants et de leurs familles – Etude INSERM, 2018
[17] https://www.lechotouristique.com/article/zoom-vaut-plus-que-les-7-plus-grosses-compagnies-du-monde-reunies
[18] Changements, Paradoxes et Psychothérapie – P. Watzlawick, 1975